LES VINGT-TROIS MAIRES DE LA TURBALLE.
De 1865, année de sa
création jusqu'à aujourd'hui, vingt-trois maires se sont succédé
à la tête de la commune de La Turballe. Leurs étiquettes
politiques, pour la plupart, souvent sont floues.Alfred Pellier, républicain; Arthur de Bougrenet de La Tocnaye, situé à droite, font exception. Leur milieu social
varie : si certains viennent d'un milieu aisé (Pellier, Naud,
Bardon-Boquien), d'autres ont des origines modestes. Le père d’Émile
Duriec était journalier, celui de Constant Lemoine boucher, celui
de Jean-Louis Trimaud agriculteur, celui de Raymond Famchon
marin-pêcheur. Un descend d'une vieille famille de la noblesse
bretonne : Arthur de Bougrenet de La Tocnaye. La durée de leur
mandat a varié allant de deux ans et des poussières (Emile Duriec,
Gustave Boquien), s'étendant à près d'une décennie voire deux
pour les plus longues (Jules-Alexandre Bernard, Jean-louis Trimaud,
Raymond Famchon, René Leroux). Certains furent conseillers
municipaux avant ou après leur mandature, voire adjoints au maire :
François Naud, jean-Louis Trimaud, René Leroux).
Au début de son
histoire, La Turballe a confié les clés de la commune à des
« étrangers », c'est-à-dire à des industriels de la
conserverie, venus de l'extérieur, du Mans ou de Nantes, qui avaient
des capacités intellectuelles pour administrer la commune et qui
résidaient sur place pendant la saison sardinière .
Le premier maire Républicain, de la commune (1865-1874), Alfred
Pellier, originaire du Mans, fait partie de cette liste ; son
neveu René Pellier marcha sur les traces de son oncle, devenant
maire de la commune de 1902 à 1913. On peut ajouter à cette liste Albert Guet, un
autre manceau, maire de 1888 à 1892 ; Gustave Bardon-Bocquien,
un nantais maire de 1925 à 1927. De 1945 à 1957, La Turballe renoua
avec cette tradition en nommant maire Jules-Alexandre Bernard, gérant
de la conserverie Goyen.
Des « locaux »,
natifs de La Turballe ou de Guérande (commune de tutelle jusqu'en
1865) s'infiltrèrent assez tôt parmi ces « étrangers » :
Arthur de Bougrenet de La Tocnaye, deuxième maire conservateur de La
Turballe de 1874 à 1881 ; François Naud, propriétaire, deux
fois maire de 1881 à 1886 , de 1892 à 1902, puis sous René
Pellier premier adjoint d'abord de 1902 à 1908, ensuite second adjoint de 1908 à
1913 ; Émile Duriec, maire éphémère de 1886 à 1888 .
Le docteur Louis Gouret, natif d'Assérac, qui administra la commune
pendant la première Guerre mondiale et au-delà, de 1913 à 1925,
peut être classé parmi eux.
A partir de 1927, la
population nomma régulièrement, à la tête de la commune des « enfants du pays » : Pierre Nogues de 1927 à 1935 ;
Jean Anezo de 1935 à 1941 ; Constant Lemoine de 1941 à 1945 ;
Jean-Louis Trimaud de 1957 à 1965 ; Raymond Famchon de 1965 à
1983.
On peut observer une
évolution dans la profession des maires choisis par les Turballais.
Si les premiers ont un lien avec les activités locales :
conserveries, marine, sel ( Pierre Nogues), agriculture( JP Trimaud), les trois derniers- signe
des temps, maintenant que les conserveries ont fermé les unes après
les autres-sont des cadres ou des hommes d'affaires : Philippe
Pigeon, avocat ; René Leroux, cadre bancaire ; Jean-Pierre
Branchereau, cadre dans le privé .
On peut, enfin, signaler
trois profils atypiques de maires : un ex-zouave pontifical,
hostile à la partition de Guérande et de La Turballe : Arthur
de Bougrenet de La Tocnaye ; un peintre ( peintre en bâtiment
ou artiste peintre?) Émile Duriec ; un agrégé de physique qui
côtoya les plus grands noms de la Science de l'époque :
Constant Lemoine, nommé maire malgré lui, pour sa connaissance de
l'allemand.
Plusieurs voies de La
Turballe portent le nom d'un maire : rue du professeur Lemoine,
Boulevard Famchon, rue du docteur Louis Gouret, rue Jean-Louis
Trimaud dans le quartier de Dornabas.
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maires de la commune par Marie-Dominique Pavy. Les 150 ans de La Turballe. |
I. Les maires «
étrangers » de La Turballe, issus des conserveries.
1.Alfred Pellier,
premier maire de La Turballe ( 1865-1874), un passionné de
botanique.
Alfred
Pellier appartient à la catégorie des maires « étrangers »
de La Turballe. Il est né, en effet, au Mans le 26 janvier 1818. Son
père François-jacques tenait au 34, rue de la Mariette, au Mans,
une conserverie initialement spécialisée dans les petits pois et
les asperges. Il en hérite : avec son frère Edmond, jusqu'en
1860 et Gustave de 1860 à 1906, il gère la conserverie familiale,
réputée pour l'excellence de ses produits, récompensée par une
médaille de bronze à l'Exposition quinquennale de Paris, en 1834,
pour la qualité de ses produits. En 1841, Alfred s'installe au bout
du quai Saint-Paul,
tout près du port où les chaloupes sardinières accostent et
débarquent leurs poissons. L'usine, la seconde dans l'histoire des
conserveries turballaises, se situe, conformément à l'obligation
de,la loi de 1835, sur le lieu-dit « les falaises », un
ex-pâturage à brebis, pour des raisons olfactives, à plus de cent
mètres de distance de l'église, de la promenade publique, des
habitations. En 1860, grâce à l'acquisition successive de terrains,
l'usine va s'agrandir et s'équiper, en 1881, d'une usine à gaz En
1878, Alfred ouvre une seconde usine dite de « l'étier »
à Lerat qui, dans la nuit du 5 septembre 1880, est incendiée. Elle
fut reconstruite l'année suivante, dotée d'un outillage moderne.
Mais en 1883, elle sera fermée ; le matériel et toutes les
machines sont transférés sur La Turballe puis à Lagos, en Algarve,
en 1887, où la maison Pellier s'est implantée.
En
pleine prospérité, Alfred milite pour la scission de La Turballe
avec sa commune de tutelle : Guérande. Il fait partie de la
commission formée de cinq personnes étudiant les avantages et les
inconvénients de cette partition.
Finalement, le conseil municipal de Guérande et le clergé, hostiles
sont déboutés ; le 17 mai 1865, la commune de La Turballe est
créée. Les élections municipales sont organisées, le 23 juillet
1865 ; par arrêté préfectoral, Alfred est désigné comme
maire de la Turballe et installé dans cette fonction le 17 septembre
1865.
Sous
sa mandature, des travaux portuaires restés en souffrance sont
effectués : le brise-lames du Tourlandroux est construit, une
cale centrale pour faciliter l'accostage des chaloupes et le
débarquement du poisson sur les rochers de Pleine-Main, en 1871, est
bâtie ; la jetée sud dite des Brebis, en 1872, protège de
l'ensablement et des tempêtes et du vent du sud les bateaux y
mouillant
Il
fait aussi construire aux frais de l’État la route salicole qui
relie La Turballe à travers les marais aux communes du Pouliguen,
Batz, Le Croisic (15 km).
Mais
las de voir ses propositions repoussées par le conseil municipal, il
se retire dès 1873, bien avant la fin de son mandat de la vie
municipale. Il gagne le château de Montertreau, près de
Parigné-le-Polin qu'il a acquis. Il s'adonne à sa passion
favorite : la botanique, en particulier à celle des
clématites.
Il confie l'aménagement du parc à Edouard André, rédacteur belge
de l'illustration horticole, une revue
à laquelle il a collaboré épisodiquement. Malheureusement, il
meurt le 23 juillet 1879 sans en voir l'achèvement.
Avec
Alfred Pellier, la période de prospérité pour la conserverie se
termine. Les turbulences commencent. Avec lui, s'éteint un
conserveur, nommé, en 1878, chevalier de la légion d'honneur,
profondément humain et sensible.
Son testament en témoigne : il y demande « qu'un service
soit dit ...particulièrement à La Turballe où une
distribution de pain, de bois, de cent francs en argent sera faite
aux pauvres de La Turballe et de Trescalan... ». Il s'excuse
auprès de ses descendants de cette ultime requête : «
j'espère que ma maison de commerce voudra bien faire les frais …
d'un de ses fondateurs aux lieux où il est particulièrement
connu ».
Conserverie Pellier. La
Turballe.
2.
Albert-Edouard Guet, cinquième maire de La Turballe ( 20 mai 1888 au
7 août 1892), un maire apprécié.
Albert-Edouard Guet appartient à une lignée de
conserveurs manceaux, un peu moins célèbre que les Pellier. Comme
les Frères Pellier, cette famille possède des conserveries au Mans,
à Audierne, à La Turballe, aux Sables-d'Olonne ; ces
établissements sont gérés sous le nom collectif de Frères Guet
qui sont associés par des actes notariés renouvelés
périodiquement, de 1878 à 1901 : Louis (1824-1878), Isidore
(1839-1906), Albert-Edouard, le neveu (1856-1932). Comme la famille
Pellier, la famille Guet a donné à La Turballe un maire à la
commune : Albert-Edouard qui se range parmi les maires «
étrangers » à la commune.
Albert-Edouard naît au Mans le 25 janvier 1856 ;
il ne sera reconnu par son père, Prudent qu' après le mariage de ce
dernier, le 5 janvier 1859 avec Césarine Compain. Albert-Edouard
d'abord apprend le métier de conserveur à Audierne chez son oncle
Isidore, de 1876 à 1881. Puis il s'installe à La Turballe, en avril
1881, avec son épouse, Alexandrine Bouvet. En juin 1882, le couple
donne naissance à un petit garçon Louis-Prudent qui ne vivra que
cinq mois. Albert-Edouard succède à son frère Isidore, arrivé dès
1869, qui se concentre désormais sur la gestion de la conserverie
d'Audierne. Le 20 mai 1888, il est élu maire de La Turballe par 12
voix contre 5 à Julien Jaunais, 3 à Emile Duriec. Le 15 mai 1892,
il est réélu par 11 voix contre 10 à Emile Duriec. Le 7 août
1892, il laisse son siège à François Naud par 11 voix sur 16.
La conserverie Guet, à ce jour, n'a pas été
localisée. Tout laisse à penser qu'elle était située près de
l'usine Pellier : dans la nuit du 16 août 1890, un terrible
incendie ravage les deux usines, causant de graves dégâts. Après
le départ d'Albert-Guet pour Le Mans, l'usine est reprise par
l'oncle Isidore ; après le décès de celui-ci, par Isidore le
fils qui se sont associés, en 1901, dans une nouvelle société
« Isidore Guet et fils », dont le siège est transféré
de La Turballe au Mans. L'usine fonctionne jusqu'en 1906.
Albert-Edouard, de fait, depuis1901, habite le Mans au 67, rue
Béranger puis, en 1906, au 42, rue du pont de fer. A cette date, il
n'est plus industriel, il s'est reconverti comme voyageur de commerce
et assure la promotion de machines à pétrin mécanique de
pâtisserie. Il meurt, à 76 ans, le 3 décembre 1932 à son domicile
manceau au 47, boulevard de France.
En tant que maire de la commune, il laisse un bon
souvenir. Le 26 décembre 1889, son premier adjoint, Julien Jaunais,
le remercie au nom du Conseil Municipal « pour la peine qu'il
s'est donné pour notre port » et propose de l'acclamer. La
séance se termine aux cris assez rares de « Vive Monsieur le
Maire ! ».
Parmi ses actions municipales, il faut mentionner la
construction de cabinets d'aisance derrière La Poissonnerie «
d'une utilité indiscutable », d'une grande jetée à l'ouest,
d'un feu cylindrique à deux couleurs pour cette jetée, la
construction de deux préaux l'un pour l'école maternelle, l'autre
pour l'école des garçons, le vote de la réparation de bâtiments
scolaires, le 20 décembre 1892, endommagés par la tempête ;
la création d'un bac à vapeur entre Pen Bron et Le Croisic, lors de
la séance du 26 juillet 1891. Sous sa mandature, est votée la
demande d'envoi d'une brigade de gendarmerie pendant la saison
estivale.
Enfin,
sensible à la misère des familles de pêcheurs, il adresse aux
députés et aux sénateurs, une supplique pour « lever
l'interdiction du travail de nuit des femmes employées dans les
sardineries. Le poisson bleu ne peut attendre ».
Tableau d'Auguste
Bellanger : au centre, Henri Bournouveau; au fond, à droite debout,
François Naud; à droite assis Albert Guet.
3. René Pellier, septième maire de La Turballe, de
février 1902 à décembre 1913, un maire sportif et ouvert au
Progrès.
Fils de Gustave, le benjamin des frères Pellier,une
famille de conserveurs manceaux, Gustave voit le jour à Paris, dans
le 9ème arrondissement, le 30 juin 1872.
Après avoir fréquenté l'école Monge puis le lycée du Mans, René
est envoyé à la Turballe, à l'âge de 19 ans, en 1891, pour
s'initier à la gestion de la conserverie familiale. En 1896, il
devient industriel. En 1900, il s'associe à son père dans la
conduite des affaires pour une durée de dix ans ; puis au
décès de celui-ci, en 1906, il fait rentrer son jeune frère
André-Edmond dans le groupe familial. La même année, il transfère
le siège de la société de la rue de la Mariette au Mans au château
de l'Angevinière, à la périphérie du Mans. Entre temps, il a pris
la tête de la commune, en février 1902 ; il sera reconduit
dans ses fonctions jusqu'à sa démission en 1913.
La gestion de la conserverie, la deuxième de la commune
historiquement, comme la direction des affaires municipales seront
toutes deux mouvementées.
Certes, le groupe des Frères Pellier s'agrandit avec
l'installation d'une conserverie,en 1905, à Port-Brigneau
(Finistère). Il continue aussi de remporter régulièrement des
récompenses0
aux diverses expositions où il se produit pour la qualité de ses
produits. Mais les ennuis s'accumulent. René doit d'abord affronter
la crise sardinière (pénurie du poisson bleu, concurrence,
écoulement des produits), il est confronté à plusieurs mouvements
sociaux : en 1896, cinquante soudeurs turballais se mettent en
grève ; en 1897, nouvelle grève et tensions avec les pêcheurs
sur le prix du mille ; en 1908, dans l'usine des
Sables-d'Olonne, suite à l'introduction de sertisseuses, considérées
comme des menaces sur leur emploi, les soudeurs déclenchent une
grève de trois semaines qui s'étend aux Sables aux autres
conserveries et à La Turballe. En juillet 1909, un lock-out est
décrété par les conserveurs bretons ; l'usine Pellier de
Port-Brigneau est concernée. Tous ces tracas sont sans doute à
l'origine de la décision de René de vendre, le 28 mars 1917, alors
qu'il est sous les drapeaux1,
d'abord l'usine et l'habitation de la Turballe au prix de 270 000
francs, puis le 30 août, 1922 celle de l'étier, pour 10 000 francs,
à Louis Félix Biret. René met fin ainsi à l'exploitation d'une
usine très ancienne qui remonte à plus de soixante-dix ans.
En tant que premier édile, sa tâche n'est pas facile.
En février 1902, par 11 voix sur 21, il succède à François Naud à
un moment où la commune est enlisée dans l'affaire Sigogne de la
première criée municipale. Il dénoue l'affaire, assumant la
condamnation de la commune par le Conseil d’État, le 4 mai 19002,
dédommage financièrement 3les
consort Sigogne. Le 20 janvier 1910, il donne à bail l'exploitation
de la criée, pour 24 ans, à Mr Michel. Le 17 février 1910, il
interdit par un arrêté (12 articles) « la vente sur la voie
publique de poissons, de crustacés, de coquillages destinés à la
consommation, pour des raisons de contrôle sanitaire et de gêne de
circulation » et ce pour prévenir d'autres attaques. Mais le
bail n'ira pas jusqu'à son terme. Il est résilié le 12 juillet
1913. La Poissonnerie ( nom de la criée) est endommagée par la
tempête. Le concessionnaire refusant de financer les réparations
qui lui incombent en vertu de l'article 3 de la concession du 20
janvier, René Pellier démissionne, en décembre 1913 avec le
Conseil Municipal, faute de pouvoir réparer le marché aux poissons.
Il quitte définitivement La Turballe, revient comme son oncle,
Alfred, sur les terres sarthoises de ses ancêtres.
Sous cette mandature eut lieu, en juillet 1907, un fait
exceptionnel : l'inauguration du petit train entre Herbignac et
Guérande soit un parcours de 33 kilomètres. Ce train, appelé
depuis longtemps par la population, qui transportait à raisons de
deux trajets quotidiens, des voyageurs ( 36 places assises) et des
marchandises( huîtres, pierres, sel...) était exploité par la
Compagnie des chemins de fer du Morbihan. Ce moyen de transport,
lent( 15 à 20 kilomètres/heure)4
fonctionna jusqu'en juin 1938 : des accidents nombreux,
notamment la nuit, la concurrence du car, plus économique, eurent
raison de lui. Mais ce fut un événement qui désenclava la
presqu'île et favorisa les échanges et le tourisme.
De retour dans le pays sarthois, René s'investit dans
la vie politique mancelle. Il s'en faut de peu qu'il soit élu
député5,
dans la première circonscription du Mans, aux élections
législatives de 1914, sous l'étiquette républicaine. Mais surtout
il va s'investir dans le domaine sportif de l'automobile et de
l’aéronautique. Avec son ami, Léon Bollée, constructeur
d'automobiles, il fonde le circuit automobile de la Sarthe, embryon
de l'ACO (Automobile Club de l'Ouest). Surtout, il organise, le 26 et
27 juin 1906, une grande course automobile ( circuit de 103
kilomètres), ancêtre du grand prix de France de formule 1. Il va
aussi mettre deux terrains, l'hippodrome des Hunaudières puis le
camp d'Auvours, à la disposition de deux aviateurs américains, les
frères Orville et Wilbur Wright, entre août 1908 et janvier 1909.
Il va ainsi contribuer au rayonnement mondial du Mans, qui va
devenir capitale de l'aéronautique ; il va aussi favoriser les
progrès des deux aviateurs qui améliorent leurs performances dans
le domaine de l'altitude, la durée, la vitesse. René n'hésite
d'ailleurs pas à « mouiller sa chemise ». Par
deux fois,le 15 octobre 1908, il prend place dans l'appareil des
aviateurs de type Flyer, pour deux vols dont le plus long dure dix
minutes.
Le 24 novembre 1937, à l'âge de 65 ans, il rend l'âme
dans son château de l'Angevinière, au terme d'une vie riche en
événements qui reflète l'époque où il a vécu et annonce le
futur.
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René Pellier, passager
du Flyer modèle A des frères Wright.
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4. Gustave Boquien, neuvième maire de La Turballe,
le mandat le plus court, de mai 1925 à août 1927.
Gustave Auguste Marie Boquien se classe parmi les maires
« étrangers » de La Turballe. A la différence des
conserveurs qui l'ont précédé, originaires du Mans, lui appartient
à une vieille famille nantaise. Autre particularité : il a
exercé la mandature la plus courte (moins de deux ans et trois
mois), il a été élu maire le 17 mai 1925, a démissionné de ses
fonctions le 14 août 1927. Celle-ci a été mouvementée, comme on
va le voir. Pour autant, Gustave Boquien a pris des décisions
capitales dont l'une se perpétue aujourd'hui.
La famille de Gustave Boquien est attestée dès 1587,
près de la Haye-Fouassière. Elle a déménagé sur Indre, a donné
deux maires : Étienne de 1790 à 1792 ; Victor Boquien,
cousin de Gustave, avocat réputé, maire d'Indre de 1871 à 1907 et
figure politique régionale.
Gustave voit le jour à Nantes, dans le quatrième
arrondissement ( route de Clisson), le 2 novembre 18636.
Il est le fils aîné de Gustave Boquien (1836-1906), fabricant de
salaisons et d' Emma Clotilde Bardon, propriétaire qui donneront
naissance à huit enfants. Ses frères cadets, Maxime-Maurice,
Emmanuel-Marie, Paul-Marie, seront ses associés dans l'entreprise
familiale. Gustave hérite de la conserverie familiale spécialisée
primitivement dans les petits pois, les salaisons. Celle-ci se situe
au 13, rue de Crucy à Nantes, non loin de la biscuiterie LU. En
1898, soucieuse de diversification, celle-ci se lance dans la
fabrication de produits chimiques mais elle fait faillite7.
En novembre 1922, elle rachète aux époux Desrateux une vieille
confiserie, fondée vers 1878, qui écoule ses pastilles au miel et
ses royal peppermint connus sous la marque Ch. Martel, au 4, rue
d'Orléans. En 1901, la maison Bardon-Boquien s'est installée à La
Turballe, à 150 mètres de la plage et du domaine maritime. Cette
usine, spécialisée dans la conserverie des sardines à l'huile,
fonctionne jusqu'en 1945.
En 1925, Gustave Boquien, tête de liste de l'union
républicaine , secteur de Trescalan, est élu maire de La Turballe,
par 254 voix. Il a pour premier adjoint Mr Nicol. Pour remplir ce
mandat, Gustave s'installe à La Turballe, avec sa deuxième épouse,
Marguerite Toussaint8.
Cette mandature sera marquée par un conflit, en juin 1927, entre les
usiniers et les patrons-pêcheurs qui ne s'entendent pas sur le mode
d'achat (aux mille ou au cent). Les pêcheurs se mettent en grève et
entraînent avec eux les ouvrières, plusieurs centaines. Une
première rencontre semblait avoir réglé le différend, mais les
usiniers se rétractent : ils ont le sentiment d'avoir été
« entôlés » dans le mode d'achat aux mille. Une
deuxième délégation se réunit à Nantes où résident les
industriels ( les gérants résident sur place), le 24 juin 1927.
C'est là qu'un pêcheur lance à l'encontre de Gustave Boquien :
« Décapitez-le ». Il faudra que le Ministre des Travaux
Publics, André Tardieu s'en mêle pour régler le conflit. Une
solution sur la base du prix de vente aux mille à un prix de vente
supérieur à 120 francs sera adoptée de part et d'autre. Mais la
grève entraîne la démission de Gustave Boquien, qui, le 14 août,
adresse au Préfet sa démission acceptée par celui-ci.
Gustave Boquien continue, après cet épisode municipal,
à évoluer dans le secteur de la conserverie. En 1934, il représente
les usiniers à La Sous-préfecture de Saint-Nazaire, il négocie
avec les patrons-pêcheurs de 1927, toujours en désaccord sur le
prix d'achat. En 1938, il est élu président de la commission
régionale du comité de la sardine, nouvellement créé. Il assiste
à la première réunion.
Il meurt à l'âge avancé de quatre-vingt-treize ans, à
son domicile nantais du 4, place Saint Pierre à Nantes9,
le 22 décembre 1956.
Malgré un court passage aux affaires municipales,
Gustave Boquien a pris des décisions qui ont changé la vie des
Turballais : le vote par le Conseil Municipal du 26 mai 1925 de
l'électrification des villages de la commune ( Tréméac, Fourbihan,
Brogard, le grand chemin, Requer, Trévéré, Kérigeole) l'atteste,
il a passé un contrat avec Energie Électrique de Basse- Indre
moyennant un emprunt de 84000 francs voté à cet effet. Il a aussi
décrété le mercredi matin, de 8 à 12 h, jour de marché
hebdomadaire0,
une tradition aujourd'hui conservée. Il a soutenu la création d'un
musée régional à Guérande, comportant quatre sections. Il en a
été le vice-président. Il a, enfin, associé son nom à une fête
locale mémorable, le 29 août 1926, organisé par le Comité des
fêtes locales. Le défilé, l'après-midi composé de quatre chars,
spectacle réglé par l'artiste Auguste Bellanger, provoqua « une
admiration unanime et enthousiaste 1».Madame
Boquien s'impliqua dans cette fête et contribua à son succès.
5.
Jules-Alexandre Bernard, maire de La Turballe du 21 juin 1945 au 29
juin 1957.
Jules-Alexandre Bernard est un maire « étranger »
dans la mesure où il est né le 24 novembre 1886 à Lorient2,
où son père était sous-chef de gare aux chemins de fer d'Orléans.
Il est domicilié comme industriel à Bordeaux, chez ses parents, en
1913, année de son mariage célébré à Quiberon, avec Marie Anne
Begais, née à Lorient elle aussi3.
Avec son père, il tient sans doute, au 8 et 16 place du Parlement à
Bordeaux, en plein centre-ville, une droguerie « Aux mille
couleurs » où il vend des peintures et des vernis. C'est sans
doute à sa boutique que s'approvisionne son oncle maternel, Daniel
Lainé, peintre qui habite au 43 bis, rue de Bègles4.
A La Turballe, il dirige l'usine Goyen souvent dénommée usine
Bernard, située au lieu-dit Trochelet (aujourd'hui rue de la mairie,
locaux de l'Amicale Laïque et pâté de maisons autour). Il cumule
cette fonction avec celle de maire : il succède à Constant
Lemoine le 21 juin 1945 et reste en poste jusqu'au 29 juin 1957. Il
meurt à Cournon (63), près de Clermont-Ferrand, le 7 juin 1977, à
l'âge de 91 ans. Son fils, Pierre, est l'auteur d'un ouvrage
intitulé Mémoires d'une vie de famille dans
l'entre-deux guerres 1918-1938, et durant le conflit 1939-1945»5.
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Réunion de l'UNC. Vers
1950. Mr Bernard est au 4ème rang, à gauche du drapeau.
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II. Les
maires « locaux ».
1.Arthur de Bougrenet de La Tocnaye, deuxième maire
de La Turballe (1874-1881), ex-zouave pontifical.
Lors des élections municipales du 28 juin 1874, les
Turballais nomment au poste de maire un homme de trente-deux ans,
auréolé de son prestige de zouave pontifical, conservateur pour les
idées : Arthur de Bougrenet de La Tocnaye qui achèvera son
mandat en 1881, remplacé par un maire républicain François Naud.
Ironie du sort : celui-ci, dans les années 1864-1865, était
hostile à la partition de Guérande et de la Turballe, la commune
dont il est le premier édile, en 1874 !
Arthur est un local puisqu'il est né à Guérande, le 3
août 1841. Il appartient à une famille originaire du Pays de Retz,
de la vieille noblesse6
bretonne remontant à 1401. Parmi ses ancêtres, Arthur compte un
croisé, Olivier, compagnon de Saint-Louis ; un globe-trotter
voyageur qui a côtoyé Chateaubriand, Jacques- Louis ( 1767-1823),
maire de Bouguenais ; un sous-préfet de Paimboeuf de 1815 à
1826 : Alexandre-Charles.Cadet d'une phratrie de sept enfants,
Arthur grandit au château de Bissin7,
; il étudie successivement au Petit Séminaire de Guérande,
de 1850 à 1854. Puis il est élève8,
de 1854 à 1857, du collège jésuite Saint-François-Xavier de
Vannes, un établissement réputé qui forme les élites. De 1857 à
1859, il fréquente le collège jésuite de Saint-Clément de Metz. A
dix-neuf ans, il répond à l'appel du pape Pie IX menacé dans ses
états par les Chemises Rouges de Garibaldi. Il s'engage, dès
novembre 1860, dans les rangs des zouaves pontificaux, il y retrouve
d'autres guérandais (Henri Le Chauff de kerguenec notamment), des
élèves de Saint-François-Xavier de Vannes. Il échappe à une
épidémie de choléra qui sévissait alors à Rome et attribue sa
guérison à Sainte-Anne. Il se distingue à la bataille de Mentana,
en 1867, et reçoit pour sa bravoure la médaille pontificale Pro
fide et virtute. Il se fait aussi remarquer pendant le siège de Rome
en 1870. Après la capitulation du pape, il passe avec le grade de
capitaine dans Les Volontaires de l'Ouest ( 1870/1871). Sa belle
conduite, à Loigny et au plateau d'Auvours, lors de la bataille du
Mans, lui valent la légion d'Honneur, en 1871. Une seconde fois,
Sainte Anne le protège en « écartant les balles de sa
poitrine ». Démobilisé, en août 1871, il s'installe, avec
son père qui vient de l'acquérir, au manoir de Brehet. En juin
1874, il accède au poste de maire. De son action municipale, il faut
retenir l'aménagement du territoire : il fait construire la
route de Lérat à La Turballe ; de Queniquen à La Turballe ;
de Coispéan à Méliniac, le chemin vicinal du Requer. Il
s’intéresse aussi au domaine scolaire : il crée une salle
d'asile ou maternelle, jette les bases d'une école de garçons. La
construction d'un mur pour abriter la cale du canot de sauvetage et
protéger les chaloupes du port est adoptée, à l'unanimité, le 18
février 1877, sous sa mandature. Mais pour avoir interdit
l'inhumation d'un défunt enterré civilement, il aurait été relevé
par le préfet Louis Herbette de ses fonctions et sanctionné aux
municipales pour son intransigeance religieuse.
Dépité, il quitte la Turballe pour Nouic, en Haute
Vienne, où son épouse9
possède des terres. C'est là qu'il s'éteint, à l'âge de
quarante-deux ans. Il repose dans le vieux cimetière de Guérande,
non loin de celle de son ami Henri Le Chauff de Kerguenec. Sa tombe
surmontée de la Croix de Mentana est facilement reconnaissable0.
 |
Arthur de Bougrenet de la Tocnaye en zouave pontifical. Coll. Patrick Maheo. |
Avec lui disparaît « un soldat de Pie IX,
toujours prêt à défendre le droit, la justice, la vérité dont la
vie peut se résumer en trois mots : bonté, bravoure, confiance
en Dieu 1.
2. François Naud, troisième ( 1881-1886) et
sixième ( 1892-1902) maire de La Turballe.
François-Louis-Marie fait partie des maires locaux
puisqu'il est né2,
le 3 février 1845 à Guérande où ses parents tenaient, dans le
faubourg Saint-Michel, une boulangerie. Il a habité dans le quartier
de Brogard à La Turballe, jusqu'à sa mort, à 72 ans, le 5 mai
1917. Il a la particularité d'avoir exercé deux mandats : le
premier de 18813
à 18864,
le second, après une courte interruption, de 18925
à 1902. Il a aussi siégé plusieurs fois comme adjoint au
maire : sous Albert Guet, élu maire le 20 mai 1888, il a été
élu par onze voix deuxième adjoint6 ;
il est élu premier adjoint7
de René Pellier, de 1902 à 1908 puis après la réélection de ce
dernier comme maire,comme deuxième adjoint8
jusqu'à la démission collective du conseil municipal, en 1913.
François Naud, on le voit, a consacré sa vie aux affaires
municipales, il a servi la commune plus de deux décennies soit en
tant que premier élu soit en tant qu'adjoint. Ce « gentleman
farmer », bon vivant, érudit, en dehors des affaires
municipales, nourrissait une passion pour la chasse, souvent au bois
de Boulle, ou à Méliniac, qu'il partageait avec les notables de La
Turballe : l'instituteur Henri Bournouveau, le conserveur et maire
Albert Guet. Il pouvait ainsi évacuer tous les soucis que ses deux
mandats lui donnèrent, notamment l'affaire Sigogne relative à la
première criée municipale qui se prolongea plusieurs années.
Deux mandats empoisonnés par l'affaire Sigogne à
propos de la criée municipale.
Lors de la séance du 20 avril 1884, le Conseil
Municipal approuve la « construction d'une criée, de 35 m de
long sur 19 m de large, aux frais du concessionnaire , sans que la
commune ait à contribuer en aucune sorte à la dépense », il
autorise le marché de la criée, « un bâtiment destiné à
servir de salerie et de poissonnerie pour la vente de la sardine et
du poisson » entre la commune et Auguste Sigogne, expéditeur
de marée aux Sables-d'Olonne. François Naud, qui a un passé de
juriste9,
élabore le texte de la concession (11 articles au total) qui sera
signé en mairie le 5 janvier 1885 par les deux partenaires. Cette
exploitation est concédée pendant quinze années à Mr Sigogne.
« Le droit de vente à la criée pour le poisson et la salaison
à la charge de Mr Sigogne de payer à la Commune un prix de ferme
annuel de 1400 francs qu'il versera à la Caisse Municipale, en deux
termes égaux, les 24 juin et 24 décembre , de 1885 à 1900.. ».
L'article 3 précise que « tout poisson vendu à la criée
sera assujetti … à un un droit de 3% en plus du montant de vente
et pour les pêcheurs qui auront à payer 15 centimes pour chaque
table de poisson vendu qui sera payé au sieur Sigogne par l'acheteur
et le vendeur ». Il est aussi convenu (article 1) que « le
concessionnaire ne pourra céder son bail sans autorisation écrite
de Monsieur le Maire après avis favorable du Conseil Municipal. 0»
.
 |
Préambule du bail de
1885 signé entre F. Naud et A. Sigogne. |
Mais le 7 décembre 1895, un nouvel arrêté de 33
articles modifie l'accord conclu : les pêcheurs sont autorisés
à vendre leur poisson au concessionnaire, à l'amiable et non plus
obligatoirement. Pour le concessionnaire, ce nouvel arrêté
constitue un préjudice, celui-ci attaque la commune devant le
conseil de Préfecture puis devant le Conseil d'Etat1.
Ce dernier admet que le nouvel arrêté « change les conditions
de jouissance du concessionnaire, qu'il en résulte une diminution
considérable des taxes relatives au droit de place et de vente à la
criée qu'il était en droit d'attendre ». Il confirme
aussi « la résiliation avec raison du traité »
par le conseil de Préfecture2
qui ordonne une expertise avant de statuer sur la demande
d'indemnité du concessionnaire ». Le conseil d'Etat, de plus,
reconnaît que le concessionnaire » a exécuté tout au long de
sa concession les charges du contrat, c'est-à-dire qu'il s'est
acquitté de 1400 francs par an et des impôts afférents à
l'immeuble ». On ne peut en dire autant de la commune qui, « ne
lui assurant pas la perception de taxes prévues, n'a pas satisfait à
ses engagements ». La commune qui se pourvoit deux fois devant
le Conseil d'Etat3
est condamnée par deux fois4 :
elle doit verser aux consorts Sigogne la somme de 30 000 francs qui
va grever le budget communal « à valoir sur les condamnations
financières prononcées contre elle ». En échange, les
consorts Sigogne remettent à la commune les clés et le matériel de
la criée municipale.

Le premier arrêté ne fait pas non plus l'unanimité.
Il va être attaqué par un marchand de rogues du nom de Pillard qui
porte plainte contre l'arrêté du maire de 1885 devant le conseil de
Préfecture d'abord, puis comme celui-ci se déclare incompétent, la
plainte passe devant le conseil d'Etat, le 4 mai 1900. Le plaignant
qui voulait faire déclarer l'arrêté illégal obtient gain de
cause. L'arrêté du maire est reconnu « entaché d'excès
de pouvoir et il n'est pas obligatoire pour le sieur Pillard et les
autres pêcheurs de transiter par la criée ». C'est décidément
une période noire pour la commune qui, attaquée sur deux fronts,
perd ses deux procès. Cette double condamnation par le Conseil
d'Etat de la commune secoue le conseil municipal qui, faute de
pouvoir adopter le budget municipal est dissous par le Président de
la République. René Pellier remplace alors François Naud, le 9
février 1902.
Suite à l'adoption de la loi Jules Ferry du 16 juin
1881, instituant l'enseignement primaire public, gratuit et
obligatoire, le Conseil Municipal turballais, lors de sa séance du
31 juillet 1881, par huit voix contre six, se prononça en faveur de
la nomination de deux instituteurs laïcs , dès la rentrée de
septembre 1881. Le monopôle sur La Turballe de l'enseignement par
les congrégationnistes prend ainsi fin.
3. Émile Duriec, quatrième maire de La Turballe du
premier août 1886 au 20 mai 1888.
Émile Duriec se range parmi les maires locaux de La
Turballe puisqu'il est né à Guérande, le 18 août 18485.
Il appartient à un milieu modeste : son père, Ollivier et sa
mère, Bonne Troffigué, étaient journaliers. Il était propriétaire
terrien à Trescalan et peintre (en bâtiment ou artiste- peintre?).
Il épousa, à La Turballe, le 14 mai 1881 6Aimée-Marie-Héloïse
de La Hardouinais. De cette union naquirent deux fils : le
cadet, René, né le 8 mai 1888, boucher de profession, engagé
volontaire fut tué à l'ennemi, à Le Mesnil-les-Hurlus, le 22
février 1915 ; le second, l'aîné, Emile-Joseph-Arthur- Aimé,
né le 26 novembre 1886, successivement charcutier, puis employé de
commerce à Paris et à Saint-Nazaire, mécanicien chez Bocquien,
revint sain et sauf de la guerre.
Émile Duriec meurt prématurément, à l'âge de
quarante-neuf ans, à son domicile de Trescalan, le 28 janvier 18987.
Auparavant il a exercé la charge de maire8
de La Turballe, c'est le mandat le plus court ( à peine 21 mois) de
tous les maires de La Turballe. Son passage, à la commune, ne fut
donc pas marquant. Deux faits sont à signaler : le premier est
la demande au Préfet, d'une demi-brigade de gendarmerie à La
Turballe, lors de la séance du conseil municipal de 6 février
1887 , « pendant la saison d'été, pendant trois ou six mois ,
après l'heure de fermeture des auberges, suite au tapage d'étrangers
et de gamins qui troublent la tranquillité et le sommeil des
habitants 9».
Lors de cette même séance, il demande au Préfet de signaler au
Ministre de la Marine « la triste situation des braves marins,
la misère profonde des veuves et des orphelins, des familles de
nombreux pêcheurs, par suite de la stérilité de la mer ».
Le second fait est, lors de la séance du Conseil
municipal du 22 août 1886, le maintien des sœurs de Saint-Gildas
comme institutrices communales tant à La Turballe qu'à Trescalan.
Le 20 mai 1888, il n'est pas réélu : Albert Guet
lui est préféré par 12 voix contre 3. Le poste d'adjoint lui
échappe , il revient à Julien Jaunais, 12 voix contre 3 à
Émile Duriec.
Le 15 mai 1892, il manque de peu d'être réélu maire,
Émile Duriec obtient 10 voix contre 11 à Albert Guet.
4.
Docteur Louis Gouret, huitième maire de La Turballe (1913-1925).
Le docteur Louis Gouret naît à Assérac, le 28 octobre
1878 où ses parents sont propriétaires. Après ses études de
médecine, il s'installe d'abord, à La Roche-Bernard,en 1900, puis à
La Turballe , après son mariage0
avec Fernande Legendre, fille d'un négociant local. Son cabinet de
généraliste, le premier de la commune, se situait à l'emplacement
de l'actuelle coopérative maritime. Il se déplaçait dans toute la
campagne environnante à cheval ou à vélo. Il pratiquait les
accouchements des femmes à domicile. Son diagnostic était sûr :
appelé à Piriac, d'urgence auprès d'une femme enceinte, Delphine
Bideau, il avait diagnostiqué une grossesse extra-utérine et
prescrit son hospitalisation à la maternité de Saint-Nazaire.
Malheureusement, la famille attendit la consultation d'un professeur
d'Angers qui arriva trop tard1.
Avec d'autres confrères, il était hostile aux trains de pélerinage
pour Lourdes, « contraires à l'hygiène … et moyens non
douteux de propagation de la tuberculose »2.
Il était partisan de la fermeture de Lourdes « danger pour
les malades et pour l'humanité... ».
En tant que maire, il eut la délicate mission de
diriger la commune pendant la guerre de 14-18, celle d 'annoncer des
décès aux famille. C'est lui qui proposa au Conseil Municipal
l'érection d'un monument aux morts pour les soldats décédés, à
coups de souscriptions privées, lui-même donnant l'exemple.
Il meurt, à 63 ans, le 10 novembre 1936. La famille
reçut de nombreux témoignages de sympathie. Une foule nombreuse
assista à la cérémonie religieuse, à Assérac car il était
unanimement apprécié. Il venait de prendre sa retraite et de céder
sa clientèle au docteur Eugène Bonamy, qui lui avait succédé en
mai 19363.
5.
Pierre Nogues, dixième maire de La Turballe, du 14 août 1927 au 19
mai 1935, un maire diplomate.
Pierre Nogues fait partie des maires locaux de La
Turballe. Il appartient à une vieille famille turballaise qui a
donné, entre autres, à la commune plusieurs meuniers actionnant le
moulin de Kerbroué. La Turballe est sa commune natale ; il y
est né, le 17 février 18924 ;
c'est aussi la commune où il vécut, exerçant la profession de
négociant de sel, puis exploitant de la criée municipale ;
c'est enfin le lieu où il décède le 16 octobre 1965. Son épouse,
originaire de Marzan, Louise Plantard « excellente hôtesse »
y tient un « établissement à tourelle et à panonceaux
moyenâgeux digne de celui de la mère Poulard au
Mont-Saint-Michel, tant les convives y sont traités royalement 5».
Celle-ci est très impliquée dans le comité Sainte Anne, fondé en
décembre 1932 ; vice-présidente, elle s'active avec la
présidente Madame Roy, pour trouver les fonds nécessaires à la
construction de cette église. Les deux fils issus de cette union,
Pierre en 1922, Arthur en 1927, sont nés à La Turballe.
Cet homme à la « carrure d’athlète »6,
« à la personnalité, l'individualité bien marquées »,
ne « s'embarrasse ni de phrases ni de manières ». Il est
élu maire de La Turballe du 14 août 1927, succédant à Gustave
Boquien, maire démissionnaire. Il le reste jusqu'à 19 mai 1935.
Malgré son dévouement et des qualités de diplomate, il doit céder
la place à Jean d'Anezo. Sa liste sur Trescalan ne recueille que 95
voix sur 300. Il a plusieurs fois l'occasion, en tant que premier
édile, de prouver des talents de diplomate. Il intervient
d'abord « ne ménageant ni son temps ni sa peine »,
multipliant les conciliabules avec l'administration maritime et les
personnalités » pour mettre fin à la grève7,
en août 1929, des pêcheurs sardiniers contre les usiniers qui
offrent 300 francs au lieu de 400 francs pour les 100 kilogrammes de
sardines. En novembre 1932, il arbitre habilement le conflit opposant
le pêcheur Ferdinand Famchon, dit « Tête de fer »,
patron de « l'Astre de l'onde »8
aux mareyeurs locaux ; il apaise les esprits « alors qu'un
geste intempestif pouvait déclencher une catastrophe ». Devenu
exploitant de la criée municipale, vendue par adjudication9
pour une période de cinq ans, il confirme ses capacités à
négocier. Dans un esprit de conciliation, il accepte la vente
directe aux mareyeurs de gravettes et de boucauts sous réserve que
le reste soit vendu à la criée et acquitte les droits prévus au
cahier des charges. Cet arrangement provisoire est conclu pour une
durée de six mois ; si l'exploitation peut continuer dans des
conditions normales, il sera maintenu. Si l'exploitation s'avère
difficile, Pierre Nogues dénoncera le contrat et une crise qui n'est
pas sans rappeler celle des années 1895 à 1910, s'ensuivra.
Il lui appartient d'avoir fondé en 1929 la section
locale de l'UNC, avec le coiffeur René Aubron0.
Il a été mobilisé pendant la première Guerre mondiale, en est
revenu mutilé1.
Il sera présent, lors d'une fête grandiose en février 1931 ;
au dixième anniversaire de la section dont il est sociétaire.
La décision de travaux portuaires , de prolonger la
digue de Garlahy de 110 mètres, pour 3 400 000 francs dont 750 000
francs pour la commune est adoptée2.
Le début des travaux, destinés à annihiler les courants marins et
la violence des vagues qui peuvent endommager les embarcations, est
prévu pour mai 1934. Le chantier sera retardé et repris par son
successeur, à la tête de la commune.
Pierre Nogues a le plaisir d'inaugurer le 30 août
1930, devant un parterre de personnalités la première mairie de la
Turballe, la salle François-Marie Lebrun qui porte le nom du
donateur du terrain. Les plans de cette mairie, attendue depuis 1865,
date de création de la commune3,
furent dessinés par un architecte de Pornichet, Emile Erbeau. Faute
de mairie, les conseils municipaux se tenaient dans des salles louées
à un prix élevé par leurs propriétaires : La maison
Guilloré, la maison de l'Accalmie, le café l'Horizon. Cette salle
fonctionna jusqu'en 1983, année de son transfert dans le bâtiment
actuel. Récemment remise aux normes, elle sert aujourd'hui de salle
d'exposition et de siège de permanence à des associations locales
(Croix- Rouge).
De plus, Pierre Nogues a aussi la satisfaction de voir
jetées les bases d'une future église à La Turballe qui « manquait
cruellement et lui portait préjudice … un port de pêche
sans église , c'est un port sans voile 4».
Grâce au terrain offert par Mademoiselle André et à l'organisation
de tombolas, de kermesses, de séances théâtrales, l'édifice dédié
à la patronne des marins-pêcheurs, construit entre 1935 et 1937,
selon les plans l'architecte M. Libergé, est inauguré le 19 mai
1937 par l'évêque de Nantes, Monseigneur Villepelet et par le
successeur de Pierre Nogues, à la mairie de La Turballe.
6.
Jean Anezo, onzième maire de La Turballe, du 19 mai 1935 au 31 mai
1941.
Jean Anezo est né à La Turballe le 15 février 18645.
Sa famille depuis au moins deux générations habite La Turballe :
son père, Guillaume, né en 18336,
y exerce la profession de marin ; son grand-père, Pierre, né
en 1807, y était préposé des douanes, il habitait Trescalan.
Dans un premier temps,il s'expatrie en Nouvelle
Calédonie , à Couaco sur le territoire de Gomen. Il travaille comme
contremaître, dans l'usine de conserves de viandes, spécialisée
dans le corned-beef, créée, en 1888, par deux industriels
parisiens, les frères Charles (1852-1914) et Jules (1854-1940)
Prevet. Il fait partie des 45 employés libres qui côtoient 200
condamnés du pénitencier. Cette usine qui comprend un abattoir, une
boucherie, une cuisine, une ferblanterie, ferme en 19007.
Ce séjour en Nouvelle-Calédonie inspirera à Jean d'Anezo le nom de
sa coquette villa « Ker Gomen ». Deux de ses filles,
nées de son union avec Eugénie Burette, une croisicaise, naitront à
Couaco : l'aînée, Jeanne née en 1894 ; la cadette,
Germaine, née en 1898.
Jean d'Anezo rentre en France, il s'installe rue de la
paix à Saint -Nazaire où il tient une charcuterie avec son épouse.
Sa troisième fille , Madeleine, y naît en 19018.
Tête de liste des « intérêts municipaux de La
Turballe », il remporte aux élections municipales du 9 mai
1935, sept sièges sur onze9.
Le 19 mai de la même année, il est élu maire avec 16 voix, à 71
ans.Il a pour premier adjoint M. Trimaud, Mr Leberre, comme deuxième adjoint.
Il ne peut donner suite, pendant sa mandature, à une
demande de la population turballaise. Celle-ci se ravitaillait en eau
potable aux fontaines publiques et dans les mares, moyens périmés.
L'électricité, sous la mandature de Gustave Boquien, arrivait dans
les villages mais l'eau courante se faisait attendre. Jean d'Anezo ne
donna pas satisfaction, sur ce point, aux Turballais, en bon garant
des deniers de la commune car le coût de la mise en service d'un
réseau d'eau potable ( 1 200 000 francs) fut jugé trop élevé par
rapport aux ressources de la commune, même avec l'appui financier de
l’État et des collectivités locales. Le projet fut reporté à
plus tard.
La Turballe, en décembre 19400,
reçut un beau cadeau de Noël : elle fut desservie par l'inter
qui élargit le réseau téléphonique limité jusque là aux
communications locales.
Jean d'Anezo se consacra surtout à l'aménagement du
port. Au départ, il avait en tête un triple projet1,
soutenu par la Chambre de Commerce de Saint-Nazaire et le Conseil
Général. Ce projet consistait en :
-un allongement de 100 m de la jetée de Garlahy, pour
sécuriser les bateaux notamment quand le vent souffle vers l'ouest ;
« ceux-ci chassent sur leurs ancres et se font beaucoup de
dégâts » ;
-une jetée de mi-marée qui la continuerait jusqu'au
rivage pour « éviter les effets fâcheux des courants qui
désensablent les plages voisines et menacent de causer des dégâts
aux usines qui bordent la mer »
- enfin, l'enlèvement de blocs de rochers » pour
consolider le quai Saint-Jacques et édifier une nouvelle cale
d'embarcation. La cale actuelle ( Pleine Main) est insuffisante pour
le débarquement simultané de deux pêches » .
Jean Anezo
compte, pour la réalisation du chantier, sur le financement de la
commune. Les terriens seront sollicités mais aussi les pêcheurs qui
doivent s'acquitter d'une taxe sur le poisson d'1,50 francs pour 100
francs de vente de poisson. Il compte aussi sur le Département et
sur l’État. Mais le 2 décembre 1935, le syndicat des pêcheurs
désapprouve, à bulletins secrets, par 56 voix contre 58 , le
principe d'une taxe sur le poisson. Jean d'Anezo et le Conseil
municipal doivent modifier leur projet. Ils annulent l'allongement de
la jetée de Garlahy ( 2 millions de francs), trop coûteuse,
maintiennent la construction d'une nouvelle cale d'embarquement ( 100
000 francs). Les ennuis pour la municipalité ne sont pas pour autant
terminés. Le pourcentage de la nouvelle cale s'avère trop incliné
( 15%)2,
il doit être revu. La tâche est confiée à deux ingénieurs des
Ponts et chaussées, Mr Lebel, Mr Lehesran qui se rendent sur place à
la mi-octobre pour résoudre la difficulté.3
De plus, une grève des ouvriers de l'entreprise Grandmaison chargés
de l'exécution du chantier retarda la construction de la cale
Marino, en voie d'achèvement en avril 19384.
La pente de la cale qui faisait problème au départ, est
finalement normale « grâce à une disposition ingénieuse dont
les pêcheurs ont eu l'idée ».
Sous la mandature de Jean Anezo, fut créée, à la fin
de l'année 1937, une école de pêche sur le modèle du Croisic
destinée à « donner aux jeunes pêcheurs la possibilité
d'acquérir des notions leur permettant de se livrer à leur métier
dans les meilleures conditions ». Cette école , subventionnée
par la commune ( 2000 francs), par le syndicat des pêcheurs ( 1000
francs par an), ouvrit le samedi 8 janvier 19385.
Monsieur Dany, ingénieur-directeur de l'école des officiers
mécaniciens de Saint-Nazaire, assura devant un auditoire de vingt
élèves son premier cours. Trois cours hebdomadaires sont
dispensés.
Enfin, Jean d'Anezo, en plein accord avec le curé de
Trescalan, proposa au conseil municipal6
la restauration de la toiture endommagée et l'aménagement d'une
terrasse au sommet de l'église de Trescalan ( 10 000 francs). Grâce
à cette initiative, aujourd'hui, en juillet-août, le public peut,
après avoir gravi 110 marches, découvrir de cette plate-forme, un
magnifique panorama sur la presqu'île guérandaise et par temps
dégagé, admirer la Brière au loin, les îles du Morbihan.
Sous sa mandature, se situe un épisode original et
éphémère (juillet 1935- novembre 1936) de vente de la sardine
connu sus le nom de « sardines volantes « qui sera
évoqué plus loin, dans cette plaquette.
Il meurt à Paris XIV, à son domicile, 11, rue Henri
Bournazel, le premier décembre 19487 ;
il avait 84 ans .
 |
Jean d'Anezo en
famille. Coll. JY le Du
|
7.
Constant Lemoine, professeur de physique et germaniste, maire de La
Turballe de 1941 à 1945.
Constant Lemoine est né à La Turballe, le 28 mars
18738où
son père, Constant Marie( 1845-1919) exerce la profession de
boucher, où son grand-père François Constant (1807 -1882) a été
successivement laboureur, marin, propriétaire. Successivement élève
de l'école de la Grande Douve, puis de Saint-Jean Baptiste, puis de
1886 à 1889, du petit Séminaire de Guérande( classe de 4èm,
3ème, seconde ) où il rafle les premiers prix, il intègre, au
grand désespoir de sa mère, Clémence Le Fur9,
qui aurait souhaité qu'il soit prêtre, le lycée de Nantes (
Clémenceau aujourd'hui). Il passe avec succès en juin le bac
scientifique, en septembre le bac littéraire : Constant est un
élève brillant ( il traduit Virgile et Homère) et complet,
curieux, travailleur. Il remerciera toujours ses parents de l'avoir
laissé poursuivre de longues études, alors qu'il était destiné à
prendre la relève de son père, rue du Poulbodon. De 1894 à 1895,
il interrompt ses études pour effectuer son service militaire à
Nantes. Boursier de l'Etat, il étudie la physique et la chimie à
l'Université de Rennes. Il décroche en 1896 une licence en
mathématiques, en 1897, une autre en physique. En 1901, il est reçu
à l'agrégation de physique ( 9 postes sur toute la France) et
devient, à 28 ans, le plus jeune agrégé de France ? Il entame
une carrière de professeur de 1899 à 1936, d'abord comme suppléant
à Saint-Germain en Laye puis comme titulaire, à Cherbourg,
Chateaudun, Quimper, Brest ( où il rencontre son épouse Jeanne
Seite0),
Nantes au lycée Clémenceau, de 1908 à 1914 et au lycée Henri IV,
de 1914 à 1919, au lycée Charlemagne, de 1930 à 1936, année où
il prend sa retraite. Entre temps, il enseigne la physique au lycée
français de Mayence, pendant onze ans. Pendant ce séjour, il
apprend l'allemand et maîtrise la langue de Goethe. C'est pour cette
raison qu'il est élu maire par le Préfet , du 1er avril 1941 au 20
juin 1945. Mais cette charge qu'il exerce à l'approche des 70 ans,
lui pèse. Il préférerait pratiquer le vélo ou cultiver son
jardin. Il propose plusieurs fois sa démission mais celle-ci est
refusée. La tâche est délicate : La Turballe, pendant sa
mandature, est l'une des communes faisant partie de la poche de
Saint-Nazaire, pendant neuf mois, du 4 août 1944 au 11 mai 1945. Les
Turballais font partie des « empochés », souffrent
d'atteinte à la liberté, de vexations, de la faim et de la soif.
Constant Lemoine, à l'heure de la libération, part avec le dernier
convoi. Sa connaissance de l'allemand éveille des suspicions. Il est
arrêté et interrogé par la Gestapo locale, et aussi par la
Résistance à Ancenis, alors qu'il rejoignait son domicile de
Joinville Le Pont. Il est incarcéré dans les prisons de Nantes, une
semaine et relâché.
Il meurt, à La Turballe, le 21 mars 1958, à l'âge de
85 ans, dans la maison, non loin de la promenade maritime, sur
pilotis ( en 1924, La Turballe fut dévastée par un raz de marée)
dont il avait dessiné les plans . Il avait reçu la légion
d'honneur, en 19201.
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Le professeur Constant
Lemoine. Coll. Pouhaer
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8.
Jean-Louis Trimaud, maire du 29 juin 1957 au 21 mars 1965.
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Jean-Louis Trimaud et
sa secrétaire de mairie, Madame Dersoir. Coll. Famille
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Conseiller municipal dès 1935 sous Jean Anezo,
Constant Lemoine, premier adjoint de Jules-Alexandre Bernard, souvent
en déplacement, Jean-Louis Trimaud lui succède en juin 1965. Il est
est un authentique turballais, il porte un patronyme typique de la
commune où il est né le 7 octobre 19072.
Ses parents habitaient Brogard et tenaient une ferme. Il est mobilisé
pendant la seconde guerre mondiale. Élu en 1957, il réussit à
concilier sa fonction d'édile et son métier de cultivateur/
paludier (il est le président de la coopérative de sel),
travaillant à temps complet, accueillant volontiers à son domicile
les administrés. « La maison était un peu une annexe de
la mairie »3.
Il décède, à 76 ans, le 27 mai 1984, à La Turballe. La presse
locale lui rend hommage en ces termes : « Homme simple et
affable qui avait le bon sens des gens de la terre qui servit la
cause communale et sut se rallier la confiance et la sympathie de
tous ».
9.
Raymond Famchon, maire de La Turballe du 21 mars 1965 au 18 mars
1983.
Raymond Famchon est un enfant du pays : il
appartient à une vieille famille turballaise présente sur le
territoire depuis plusieurs générations, attestée depuis 1811 : ses
aïeux, du côté paternel, Jean-Marie (1811- 1869), François-
Auguste (1855- 1905), son père Raymond François (18774-
1958) ont été marins-pêcheurs de père en fils. Sa mère, Marie
Bosseno est née également à La Turballe, en 1877. Raymond a vu le
jour à La Turballe, le 6 septembre 19035,
il décédera à Pen-Bron, des suites d'une longue maladie, le 26
novembre 1989, à l'âge de 83 ans.
Il s'oriente vers la Marine Nationale dont il gravit
les échelons : il s'engage d'abord comme mousse, à Brest ;
il est promu premier maître-timonier en février 19266il
participe à la guerre d'Indochine ; capitaine de frégate,
il est décoré de cinq galons panachés ; il devient second du
« Pourquoi pas ?7 »
du commandant Charcot ; il finit sa carrière en 1965 comme
directeur du port de Lorient. Il revient s'installer à La Turballe,
dans sa villa « Ty Antoine », qui porte le prénom de
son petit-fils Antoine, parachutiste, au 27, rue du Maréchal Juin.
En mars 1965, il se présente aux élections municipales
de La Turballe qu'il remporte. Commence alors une longue période au
service de La Turballe puisqu'il garde cette fonction de maire,
jusqu'en mars 1983, soit pendant près de 18 ans. Sous sa mandature,
La Turballe a beaucoup changé. Raymond Famchon , peu après son
élection, présida les manifestations du premier centenaire de la
création de La Turballe. Il lança beaucoup de chantiers, il créa
les bases de la commune actuelle. Le 13 juin 1970, il inaugure le
centre de marées qui remplaça la criée devenue vétuste8.
De 1975 à 1979, il fit prolonger la digue de Garlahy, projet
plusieurs fois repoussé. Il est aussi à l'origine du VVF (1972), du
lotissement de la Grande Falaise ( 2 tranches de 40 et 79 lots). Il dota aussi la commune d'un château d'eau à Trescalan, inauguré en présence
d'Olivier Guichard. Il fit percer la desserte du boulevard de
l'Europe, il acheta les terrains destinés à la construction de
l'école publique Jules Verne, de HLM. Il créa une zone
artisanale, dans le quartier de la Marjolaine et se battit pour que
le premier artisan , un charpentier naval, s'y installe. En 1967, il
relance les activités de sauvetage, prenant la tête de la SNSM, «
en sommeil ». Il préside, très actif, la section locale de l'UNC. Enfin, alors
qu'il est retiré de la vie municipale en 1986, il assiste à la
signature de la charte instituant le jumelage qui existe toujours
entre La Turballe et Bussang, une cité vosgienne.
Il épousa Marie
Joséphine Montfort, à Clohars-Carnoët (29), le 30 septembre 1929. Le couple donna naissance à un fils prénommé comme son père Raymond, qui fit, comme son père, une carrière maritime.
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Visite de chantiers par
le commandant Famchon ( au milieu de la photo)
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III.
Les trois derniers maires de la Turballe.
1.Philippe Pigeon, maire de la Turballe, du 18 mars
1983 au 24 mars 1989.
Philippe Pigeon né à Nantes en 1947. Après des
études de droit, il a été avocat. De 1977 à 1983, en tant que
deuxième adjoint de Raymond Famchon, il s'est initié à la vie
communale avant de diriger les affaires communales de 1983 à 1989.
Sous sa mandature, il mène à bien les projets promis dans son
programme lors des municipales. Il agrandit le port de pêche et de
plaisance. Il acquit un engin de levage pour transporter sur l'aire
de carénage. Les quais Saint-Jacques, Saint-Paul sont réaménagés
et remaniés. Un plateau piétonnier, quai Saint Jacques, avec
doublement de la surface des cafés est réalisé. La mairie située
salle François-Marie Lebrun, dont les locaux devenaient trop
étroits, est transférée en face, elle occupe l'emplacement de
l'ancienne école publique qui a dû déménager rue Jules Verne. Le
camping municipal des chardons bleus sur la route de Pen-Bron est
inauguré. Dans le centre-ville, les trottoirs sont refaits. Enfin,
la charte de jumelage entre La Turballe et Bussang, dans les Vosges,
est signée.
En 1989, à la fin de son mandat, Philippe Pigeon, 42
ans, préfère se retirer des affaires communales et donner la
priorité à son cabinet d'avocat, à Saint-Nazaire, en plein
développement. Ce fut un dilemme « J'ai été confronté à
un choix cornélien » déclare l'intéressé qui estime
inconciliables les deux fonctions car elles réclament du temps, de
la disponibilité, de l'investissement si on veut s'en acquitter
correctement 9.
Ce choix ne l'empêche pas de venir à La Turballe fréquemment et
d'en suivre l'actualité.
A la tête du barreau de Saint-Nazaire, Philippe Pigeon
a été poursuivi en justice, récemment, pour détournement de fonds
par des clients qu'il a défendus entre 2004 et 2013. 0
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comité de jumelage Bussang- La Turballe. Raymond Famchon, assis ; Philippe Pigeon, debout, deuxième à droite. |
Va lui succéder pendant plus de deux décennies un des
conseillers municipaux faisant partie de l'opposition dont il ne
prédisait pas la longue carrière : René Leroux.
2.
Avant-dernier maire de La Turballe, René Leroux du 24 mars 1989 au 4
avril 2014.
Fils d'agriculteur, René Leroux est né à Herbignac,
en 1952. Successivement élève du collège Saint-Jean Baptiste de
Guérande, où il était déjà délégué de classe « pour
défendre le faible contre l'opprimé » , il quitte en seconde
le lycée Saint-Louis de Saint-Nazaire. Il rentre dans une banque où
il est délégué du personnel. Conseiller municipal de l'opposition,
en 1983, sous la mandature de Philippe Pigeon, il est élu maire de
La Turballe en 1989, sous l'étiquette socialiste. Il va occuper
cette fonction vingt-cinq ans, jusqu'en 2014, année où il décide
de ne plus se représenter, de peur « du mandat de trop »
et meurtri par les critiques. Il fut aussi député de la septième
circonscription, de 1997 à 2002 ; Conseiller général du
canton de Guérande de 1994 à 2001, puis de 2006 à 2015. Mais de
toutes les responsabilités politiques qu'il exerça, c'est le mandat
municipal qu'il affectionna le plus car il exige d'être proche de
la population et au contact des administrés.
Il était fier de deux actions pendant ces deux
décennies au service de la commune : le sauvetage des deux
criées de La Turballe, et du Croisic grâce à la SAEML1,
créée en 2011 ; l'achat habilement négocié de l'école
Saint-Pierre au diocèse. Il était aussi satisfait de la mise en
place du plan départemental de l'habitat où il avait pu faire
valoir ses idées de mixité intergénérationnelle et de logements
sociaux. Il retirait aussi de la création de la première
communauté de communes du Pays Blanc, ancêtre de Cap Atlantique,
une grande fierté. L'arrivée de l'éolien, son investissement
personnel pour que La Turballe soit le port de maintenance du futur
parc éolien peuvent être mis à son actif. Des rencontres avec de
hautes personnalités l'avaient marqué : le Dalaï-lama, Tony
Blair, Manu Dibango. Deux catastrophes l'avaient fortement ébranlé :
celle de l'Erika 2et
le drame du caboteur Iles du Ponant où quatre marins3
périrent. En partant, il regrettait de ne pas avoir finalisé le
projet immobilier de Dornabas.
En ne se représentant pas, René Leroux ne décrocha
pas pour autant de la vie municipale : il créa et présida le
comité de l'école Saint-Pierre pour protester contre la
détérioration et l'inoccupation du lieu. Il milita pour sauver la
ferme du Bois de Boulle, il contesta la décision de vente du camping
municipal des chardons bleus par la nouvelle municipalité.
En prenant une retraite bien méritée, il entendait
profiter de sa famille, de ses trois filles qu'il n'avait pas vu
grandir, il fourmillait de projets. L'ébénisterie, le quad , ses
deux passions ; les voyages et même l'écriture de ses
mémoires, à partir des agendas qu'il tenait à jour et avait
conservés, figuraient à son programme. Malheureusement, il n'a pas
eu le temps de les réaliser, étant emporté par un cancer
foudroyant le 30 mai 2018. Une chapelle ardente fut dressée, salle
François-Marie Lebrun, pour que les Turballais puissent se
recueillir ; un cahier de condoléances fut mis à la
disposition du public à la mairie. L'église de Trescalan se révéla
trop petite pour contenir les personnalités politiques, les anonymes
venus lui rendre un ultime hommage, lors de ses obsèques.
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René Leroux à son
domicile.
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3. Jean-Pierre Branchereau , maire de La Turballe du
4 avril 2014 à 2020.
Le dernier maire de La Turballe est né le 19 septembre
1957. Il a été longtemps conseiller municipal d' Oudon, près
d'Ancenis. Tête de liste de « Construisons La Turballe »,
il a été élu d'une courte tête (97 voix d'avance) devant Joseph
Berton, qui menait la liste « Bien vivre ensemble ».
Le mandat de Jean-Pierre Branchereau, cadre dans le
privé, qui est en cours s'achèvera en 2020.
Un fait à signaler : le deuxième jumelage de la
commune avec un petit port de pêche espagnole , Camarinas. La charte
de ce partenariat a été officiellement signée le 31 juillet 2017.
Sources :
ADLA : Archives Départementales de Loire
Atlantique
Remerciements aux familles Duriec ( Emile Duriec),
Pouhaer/Cenet ( Constant Lemoine), à Jean Lecoq (Raymond Famchon), à
Marie-Thérèse Volant (Jean-Louis Trimaud), à Jean-Yves Le Du (
jean Anezo).
Maryvonne TROCHET